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Esthétique et production littéraire

Published online by Cambridge University Press:  05 May 2010

Guy Bouchard
Affiliation:
Université Laval

Extract

«Le concept de production, déclarait Jean Ricardou, élimine deux illusions inverses: la création, l'expression» (ETG: 144). Ricardou condamne également l'inspiration, ainsi que l'imitation réaliste. Les quatre conceptions majeures qui ont hanté, et tenté l'histoire de l'esthétique depuis Platon se trouvent donc récusées au profit d'une théorie permettant d'accéder, par rapport au texte, «à une intelligibilité nouvelle: celle des lois de sa production, celle des principe [sic] de sa génération et de son organisation» (ETG: 143). Bien qu'elle concerne spécifiquement la littérature romanesque (et, à l'occasion, le cinéma), cette prise de position présente, à notre avis, un intérêt pour l'ensemble de la philosophie de l'art qu'elle pourrait, si elle s'avérait ou, du moins, se révélait opératoire, faire accéder «a une intelligibilité nouvelle». Aussi nous proposons-nous de l'examiner triptyquement: en produisant, d'abord, une fiction qui nous servira de texte-témoin; en analysant, ensuite, cette fiction en termes de production textuelle; en tentant de vérifier, enfin, si quelque autre type d'interprétation n'est pas également possible et, puisque la réponse sera affirmative, en tirant les conséquences de ce dédoublement de l'interprétation.

Type
Articles
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Copyright © Canadian Philosophical Association 1982

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References

1 De Jean Ricardou, nous utiliserons les textes suivants:

PNR: Problèmes du nouveau roman (Paris: Seuil, 1967).Google Scholar

EDTG: «Eléments d'une théorie des générateurs», In Art et science: de la créativité (en collaboration), Coll. 10/18 (Paris: U.G.E., 1970), 103113Google Scholar. Synecdochiquement, ce signe vaudra aussi pour les interventions de Ricardou au cours des discussions.

PTNR: Pour une théorie du nouveau roman (Paris: Seuil, 1971).Google Scholar

ETG: «Esquisse d'une théorie des générateurs», in Positions et oppositions sur le roman contemporain, éd. Mansuy, M. (Paris: Klincksieck, 1971), 143150Google Scholar. (Utilisation synecdochique du sigle).

NRE: «Le nouveau roman existe-t-il?», in Nouveau roman: hier, aujourd'hui I (sous la direction de J. Ricardou et F. Van Rossum-Guyon), Coll. 10/18 n. 720 (Paris: U.G.E., 1972), 9–20. (Utilisation synecdochique du sigle).

NF: «Naissance d'une fiction», in Nouveau roman: hier, aujourd'hui 2 (…, 10/18 n. 725, 1972), 379392Google Scholar. (Utilisation synecdochique du sigle).

NR: Le nouveau roman, Coll. Ecrivains de toujours, n. 92 (Paris: Seuil, 1973).Google Scholar

RT: «La révolution textuelle», Esprit 42 (1974) 441, 927945.Google Scholar

NRER: «Le nouveau roman est-il roussellien?» L'Arc 68 (1977)Google Scholar, spécial Raymond Roussel, 60–78.

NPR: Nouveaux problèmes du roman (Paris: Seuil, 1978).Google Scholar

2 «Si ce principe [celui de Poe: tout doit concourir au dénouement, la première ligne doit être en vue de la dernière est révoltant] c'est que, corrodant par sa radicale exigence de clarté le dogme mystérieux et confus de l'inspiration, il condamne les doctrines fondées sur l'expression: le romantisme, et par avance le surréalisme, ce romantisme explosif et finissant» (PNR: 171; c'est moi qui souligne).

3 «… le Sorcier ajourné réussit la démonstration scandaleuse par laquelle tous les réalismes sont foudroyés: en la fiction, le réel et le virtuel ont même statut parce qu'ils sont l'un comme l'autre entièrement gérés par les lois de l'écriture qui les instaure» (PNR: 29).

4 Comme Hegel (Introduction à l'esthétique [Paris: Aubier-Montaigne, 1964], 925Google Scholar). comme Croce (Bréviaire d'esthétique [Paris: Payot, 1923], 134Google Scholar), j'emploie synonymiquement les expressions esthétique et philosophie de l'art. Cette pratique s'oppose à celle d'auteurs qui, tel Gilson (Introduction aux arts du beau [Paris: Vrin, 1963], 19Google Scholar), restreignent l'esthétique à l'étude de la consommation des oeuvres et la philosophie de l'art à celle de leur production, ce qui a pour inconvénient d'une part de laisser l'oeuvre dans un no science's land ou de la rapprocher arbitrairement de l'un des deux pôles privilégiés, d'autre part de compromettre la possibilité d'une étude intégrée de l'ensemble de l'expérience esthétique.

5 Cette caractérisation de «l'idéologie dominante» en matière littéraire sert constamment de repoussoir à la théorie de la production. Cf. PNR: 24, 77–78 (où l'expression est définie par rapport à une «vision du monde», par opposition à la représentation directe de celui-ci; l'une et l'autre constituent ainsi «l'idéologie réaliste»); PTNR: 9, 21, 40, 63, 222, 261; NRE: 10; NR: 15; RT: 928, 932; NPR: 15–16, 73, 141, 244, 299, 320; NRE: 387. La doctrine de l'inspiration, qui a été qualifiée, nous l'avons lu, de «dogme mystérieux et confus», est assez étrangement rattachée à l'idéologie dominante par le passage suivant: «Pour ce qui nous concerne, il y a, d'une part, les divers tenants de l'inspiration qui mettent en avant le quelque chose à dire relevant soit de l'expression s'il s'agit du Moi (le romantisme), soit de la représentation s'il s'agit du Monde (le réalisme)» (NPR: 320).

6 Si l'idéologie dominante est expressive-représentative et se caractérise par la présup position d'un «quelque chose à dire» antérieur à l'écriture, comment situer par rapport à elle la théorie de la création? Ricardou est peu explicite à ce sujet. Le texte suivant pose plus de problèmes qu'il n'en résout: «Avec le réalisme de l'expression et de la représentation, la dimension littérale doit se modeler sur la dimension referen tielle comme le texte doit se modeler sur le monde. Avec la mystique de la création, le monde se modèle sur le texte comme la dimension referentielle se modèle sur la dimension littérale. Dans le premier cas, le fonctionnement du texte est déduit d'un certain rapport du monde et du texte, dans le second, le rapport du texte et du monde est déduit d'un certain fonctionnement du texte. Fantasme valorisant d'écrivain, en somme, qui postule analogiquement une création divine à partir de certaines aptitudes de son propre travail. Fantasme affacé comme tel, on le devine, par son succès même. Valorisation maintenue, ou plutôt qui revient par inversion de la métaphore fondatrice, l'écrivain est le Créateur d'un monde. Répéter le monde, ainsi que le réclame la doctrine de l'expression-représentation, inventer un monde, ainsi que le prétend la doctrine de la création, ne sont, appuyés sur la même proportion fondamentale, que les deux inverses complices d'une même idéologie: celle, dominante, qui évite de penser comment le monde peut être transformé par le travail du texte» (NPR: 164). Si l'expression-représentation d'une part, la création d'autre part, sont les deux inverses de l'idéologie dominante, celle-ci ne devrait plus être décrite comme présupposant nécessairement une entité préalable au texte. Et la théorie de la production ne devrait plus être opposée uniment à la théorie de la reproduction comme cela est encore le cas dans le même ouvrage (v.g. NPR: 244–299). Par ailleurs, la nouvelle idéologie globale devrait être définie autrement que par un terme négatif implicite (idéologie de la non-transformation), ses deux avatars devraient être articulés plus rigoureusement l'un par rapport à l'autre et les deux par rapport à leur englobant; enfin le système des deux idéologies antagonistes, celle de la transformation et celle de la non-transformation, devrait se formuler par rapport au monde de façon univoque (le texte cité, en effet, joue à la fois du monde comme ensemble de la réalité objective et du “monde” comme métaphore désignant l'oeuvre de l'écrivain).

7 L'un des romans de Ricardou, La prose de Constantinople, s'est caricaturalement élaboré à partir d'un tel rien, en l'occurrence le mot rien: cf. NF: 380; PNR: 262; EDTG: 126.

8 La position ricardolienne apparaîtrait moins paradoxale si l'on supposait que le préala ble qu'ordre idéel et si l'on précisait que la théorie de l'inspiration a trait à un idéel inconscient. Alors:

- absence de préalable: CRÉATION

- présence d'un préalable:

- idéel:

- inconscient: INSPIRATION

- conscient:

- le monde: REPRÉSENTATION

- le moi (vision personnelle du monde): EXPRESSION

- matériel: PRODUCTIONNISME

9 Voir également: NF: 151, 401–402.

10 L'ensemble de ce paragraphe suit de très près l'exposé de NPR: 260–261. Pour des présentations antérieures de la même problématique, cf.: EDTG: 103–113; ETG: 143–150; NF: 379–392; RT. A noter que les «générateurs» de ETG et de EDTG correspondent aux sélecteurs de RT, dont le présent texte systématise le fonctionnement.

11 «Sur une base choisie, le nombre des opérations génératrices est peut-être plus grand qu'on ne l'imagine. Citons par exemple: l'identité, la similitude, l'inverse, la contiguïté, la répétition, la majoration, la minoration, l'exclusion, etc. …» (ETG: 144)— «… la production à partir d'un vocable met en jeu deux traitements principaux: l'opération similitude et l'opération différence-liée. Dans le premier cas, le problème consiste, suivant le théorème du «qui se ressemble s'assemble», à convoquer en le récit le maximum des objets relatifs au mot de base …; au similaire, il est facile de joindre l'inverse, si, après la synonymie, il est possible de faire jouer l'antonymie …; le phénomène de la différence-liée … met en jeu un théorème qui généralise les principes rousselliens: pour obtenir, à partir d'un vocable, l'ensemble des éléments différents dont il est capable, il suffit de transformer par des opérations similitude son niveau signifiant (et d'engendrer ainsi) les homogrammes et homophones, les anagrammes et «anaphones», les sous-anagrammes et «sous-anaphones» (PTNR: 222–223).

12 Sur cette notion, cf.: NF: 151, 379–380; NPR: 244–246, 259–260.

13 Ce paragraphe résume NPR: 309–316.

14 Cette formule, dont les termes varient parfois («écriture d'une aventure», «histoire d'une aventure», «écriture d'une histoire», et leurs inverses, constituent les principaux variants), est récurrente: cf.: PNR: 111, 166; PTNR: 32; ETG: 143, 161.

15 PNR: 13, 54–55, 77, 143; ETG: 143.

16 PNR: 18, 178. La seconde occurrence, par exemple, se lit comme suit: «les grands récits se reconnaissent à ce signe que la fiction qu'ils proposent n'est rien d'autre que la dramatisation de leur propre fonctionnement».

17 PNR: 25, 40, 44, 55, 149, 207. A noter que l'autoreprésentation peut jouer entre deux fragments d'un même texte, créant en celui-ci des effets de miroir propres à contester la linéarité du récit: cf.: NR: 47–90; NF: 220–221; NPR: 104, 160–163.

18 Ricardou admet cette éventualité dans le cas du problème de l'autoreprésentation: lorsque l'orientation de celle-ci se révèle discutable, voire indécidable, «opter pour une orientation plutôt que pour une autre sera dès lors stricte affaire d'idéologie» (NPR: 162). L'application de cette règle à notre problème se justifie en termes de simple extension: les rapports entre dimension littérale et dimension référentielle concernent non plus deux passages donnés d'un texte, mais le texte en son entier. Sans doute pourrait-on objecter telle remarque stipulant que l'analyse élaborationnelle n'est pas nécessairement tributaire du témoignage de l'écrivain (RT: 935–938); à quoi l'on rétorquera: qu'en l'absence d'un pareil témoignage toute démonstration risque de s'apparenter à une pétition de principe; qu'à de nombreuses reprises (ETG: 162: NF: 392; NPR: 268) l'analyste fait état de rapports et de mécanismes que le scripteur n'a peut-être pas utilisés consciemment; que la remarque pré-mentionnée s'achève pourtant par une référence à des cas où «tout choix de l'une ou l'autre des dominations ne saurait être qu'un coup de force idéologique» (RT: 938).

19 Cf., par exemple, de Victor Hugo, la «Préface» à Cromwell (Paris: Garnier-Flammarion, 1968)Google Scholar. Entre autres, ce passage (69): «nous venons d'indiquer le trait caractéristique, la différence fondamentale qui sépare à notre avis, l'art moderne de l'art antique, la forme actuelle de la forme morte, ou, pour nous servir de mots plus vagues, mais plus accrédités, la littérature romantique de la littérature classique». Que l'auteur se prétende «historien», et non «critique» (70), cela relève de la rhétorique habituelle à ce type de discours, qui se prétend toujours conforme à la nature des choses.

20 Cf. Current-Garcia et Patrick, Realism and Romanticism in Fiction (Chicago: Scott, Foresman, 1962)Google Scholar. Cet ouvrage rassemble les principales pièces de la polémique, dont on trouvera une analyse dans G. Bouchard, «Communication romanesque et communication philosophique», in Philosophie et littérature (en collaboration) (Montréal: Bellarmin, 1979), 8087.Google Scholar

21 Par exemple, NR est presque entièrement consacré à la contestation du récit. Ailleurs il s'agira de battre en brèche la dominance de l'idéalisme (NRER: 61), de la belligérance du récit et de la description (NPR: 24), de révolutions et de réactions textuelles (NPR: 43–44), etc. A noter que Ricardou pratique lui aussi la justification historique: tout comme, pour Hugo (Cromwell, 7576Google Scholar), «la poésie a trois âges, dont chacun correspond à une époque de la société: l'ode, l'épopée, le drame. Les temps primitifs sont lyriques, les temps antiques sont épiques, les temps modernes sont dramatiques. L'ode chante l'éternité, l'épopée solennise histoire, le drame peint la vie». Etc.—de même, selon Ricardou (NRE: 22–23), l'âge classique fut celui de la rhétorique, l'âge romantique celui de l'expression et de la représentation, tandis qu'à l'âge moderne correspondrait la production. A noter que l'opposition entre rhétorique d'une part, expression et représentation d'autre part, articule des éléments de niveaux différents, occultant la parenté profonde de ces deux «âges» qui, tous deux, se meuvent sur le terrain de l'imitation, comme en témoigne encore, d'ailleurs, le texte de Hugo en tel passage satirique: «Donc, vous faites du laid un type d'imitation, du grotesque un élément de l'art!» (69).

22 Nous utiliserons désormais ce terme, et non celui de «théorie de la production», pour désigner la conception ricardolienne, parce qu'une théorie globale de la production déborde, nous le verrons, le cadre du productionnisme.

23 Ricardou utilise le terme francisé de «réfèrent» mis à la mode par Ogden et Richards. Je préfère uniformiser la terminologie et faciliter la dérivation (désignation, désignatif, désigner, etc.). J'utiliserai donc «désigné» à la place de «réfèrent», sauf dans les citations.

24 «Si l'on opère avec le vocabulaire signifiant et signifié, cela veut dire nécessairement que l'on ne met pas le réfèrent hors jeu, puisque les deux termes ne sont intelligibles que par rapport à ce troisième» (NRE: 148).

25 S'agissant de la problématique saussurienne, l'opposition du matériel et du non matériel est d'ailleurs trop étroite. Saussure, en effet, oppose le signifiant d'une part au sinsigne, en l'occurrence le son, et d'autre part au signifié. Par opposition au son matériel, le signifiant est «incorporel»; mais par opposition au concept, qui est «généralement plus abstrait», il est en un certain sens matériel (Cours de linguistique générale [Paris: Payot, 1967], 98,164). S'agissant de Ricardou, le transfert au signifiant de la matérialité du sinsigne permet de développer la notion de «matérialisme textuel» (NPR: 184–186) et de souligner que «rien donc, peut-être, mieux que le fonctionnement du texte moderne qui sache disposer la pensée comme une entre-prise de la matière» (RT: 945).

26 «Produire, nous le savons, c'est mettre en oeuvre une matière. S'agissant du texte, cette matière est principalement le langage, entendu non plus comme moyen d'expression mais bien comme matière signifiante. Produire, nous le savons, c'est transformer une matière. S'agissant du texte, ces opérations consistent à transformer la matière signifiante jusqu'à l'organiser selon du texte» (NPR: 16). Mais qu'est-ce que le langage en tant que matière signifiante? Ou bien l'on reconnaît effectivement les mérites du couple signifiant/signifié, pas nécessairement lié au désigné, et le langage se compose de signes à part entière: mais même en transposant au signifiant la matérialité du sinsigne, on ne voit guère comment le signifié pourrait être considéré comme «matériel»; ou bien l'on appelle langage la matérialité empruntée du signifiant, et l'on qualifie cette matérialité de signifiante parce qu'à l'occasion elle peut produire du sens (v.g. par le calembour, la rime, etc.), mais alors on ne reconnaît plus les mérites du couple signifiant/signifié.

27 Tel passage donne même l'impression que non seulement le texte a un aspect matériel, mais qu'il est cet aspect matériel: «Nous le savons: en l'absence de sens, point de texte; en la présence du sens, plus de texte. En ce qu'il est oeuvre de langage, le texte provoque du sens; en ce qu'il est facteur de transparence, le sens estompe le texte. L'effet de texte, c'est la proposition du sens; l'effet du sens, c'est l'effacement du texte. Là où te sens domine, le texte tend à l'évanescence; là où le texte domine, le sens tend au problématique» (NPR: 43).

28 N R porte presque tout entier sur la contestation du récit. Or si le récit comporte et une Dimension littéraie et une dimension désignative, et si, en chacun des cas, l'effacement de l'un des pôles produit soit une illusion désignative, soit une illusion littérale, peut-on soutenir que «La courbe de la fiction se divise donc, très schématiquement, en deux domaines. Celui de l' euphorie du récit, où domine la composante référentielle; celui de la contestation du récit, où domine la composante littérale» (NR: 31) sans assimiler le récit à sa pseudo-dimension désignative? Pourquoi l'une et l'untre illusions ne sont-elles pas considérées comme des contestations?

29 «Tel système continue de dominer: pour la plupart, il va encore de soi. Nous le connaissons bien: c'est l'idéologie expressive (si par «vie» on entend le moi) ou représentative (si par «vie» on entend le monde)» (NPR: 141).

30 Platon, Cratyle, trad. Chambry (Paris: Garnier, 1960)Google Scholar, 432 b-d.

31 Hugo, , Cromwell, 90.Google Scholar

33 Cf. Collingwood, R. G., The Principles of Art (Oxford: Oxford Paperbacks, 1965)Google Scholar; Croce, Benedetto, Bréviaire d'esthétique (Paris: Payot, 1923).Google Scholar

34 Le romancier et ses personnages, in Oeuvres complètes (VIII) (Paris: Fayard, 1952), 283.Google Scholar

35 «L'art est une vertu de l'intellect pratique—c'est cette vertu praticulière de l'intellect pratique qui concerne la création d'objets à faire» (L'intuition créatrice dans l'art et dans la poésie [Paris: Desclée de Brouwer, 1966], 44Google Scholar). «L'oeuvre d'art a été pensée avant d'être faite, elle a été pétrie et préparée, formée, couvée, mûrie dans une raison avant de passer dans la matière» (Art et scolastique [Paris: Rouart, 1927], 11Google Scholar). Cette description reprend la définition aristotélicienne de l'art (Ethique à Nicomaque, VI, 4, 1140 a 1–23). La Philosophie de la composition d'Edgar Poe s'inscrit dans cette perspective (cf. supra, note 2, et infra, note 43).

36 «La production de l'oeuvre d'art se présente comme la maturation progressive d'un être vivant dont on peut prévoir s'il sera peinture, sculpture ou musique, mais dont, à l'intérieur de ces déterminations génériques, les caractères individuels sont imprévisibles, car s'ils en résultent, ils ne la précèdent ni ne la conditionnent pas» (Introduction aux arts du beau [Paris: Vrin, 1963], 142143Google Scholar). Relire, dans ce contexte, les passages où Ricardou substitue à l'entité idéelle antécédente du quelque chose à dire le simple désir d'écrire du quelque chose à faire (v.g. NPR: 15–16; RT: 927–928).

37 «L'oeuvre d'art comme création», in Revue de Métaphysique et deMorale (avril-juin 1967), 184205Google Scholar. Prenant comme exemple le peintre, Loreau soutient entre autres qu'il doit refuser toute signification constituée, toute pensée préalable; sinon, son activité serait réduite à celle d'une machine.

38 Cf. en particulier «La création littéraire et le rêve éveillé», in Essais de psychanalyse appliquée (Paris: Gallimard, 1952), 6981.Google Scholar

39 Cf. «Psychologie et poésie» ainsi que «La psychologie analytique dans ses rapports avec l'oeuvre poétique», in Problèmes de l'âme moderne (Paris: Buchet-Chastel, 1961), 321380.Google Scholar

40 Propos de littérature, Bibl. Médiations (Paris: Gonthier, 1964), 45Google Scholar. Voir aussi: Système des Beaux Arts, Coll. Idées (Paris: Gallimard, 1963), 3439Google Scholar. Relire dans ce contexte, le passage déjà cité (5) où Ricardou soutient que c'est l'activité d'écrire qui provoque l'activité d'invention. Que la théorie d'Alain relève de l'inspiration, cela est aussi l'avis de Mikel Dufrenne (Phénoménologie de l'expérience esthétique [Paris: P.U.F., 1967], 140).Google Scholar

41 Balzac, tout honni qu'il soit par les nouveaux romanciers, pour qui il constitue la manifestation par excellence de «l'idéologie dominante», se retrouve ici avec eux, et avec Alain, en terrain commun: «Presque tous savent concevoir. Qui ne promène pas sept ou huit drames sur les boulevards en fumant son cigare? Qui n'invente pas les plus belles comédies? Qui, dans le sérail de son imagination, ne possède les plus beaux sujets? Mais entre ces faciles conceptions et la production il est un abîme de travail, un monde de difficultés que peu d'esprits savent franchir. De là vient qu'aujourd'hui vous trouvez plus de critiques que d'oeuvres, plus de feuilletons où l'on glose sur un livre que de livres. Il est aussi facile de rêver un livre qu'il est difficile de le faire» (Le cabinet des antiques [Préface], in La comédie humaine [III] [Paris: Seuil, 1966], 626).Google Scholar

42 Système des beaux-arts, 38.Google Scholar

43 Quitte à le déplacer. Ainsi (c'est moi qui souligne): «C'est à partir de lui-même que le texte prolifère: il écrit en imitant ce qu'il lit» (PTNR: 262).—«Or, les actuelles recherches romanesques nous permettent de sortir du XIXe siècle en ce qu'elles affirment, avec Poe, que l'oeuvre est une création où la lucidité joue un rôle majeur» (PNR: 171; voir aussi: PNR: 76, 77, 133).—«… la fiction est inspirée par l'écriture» (PNR: 143).—Et ceci, qui, sans reprendre le mot inspiration, en «exprime» la substance en termes quasi jungiens: «Il peut se lire, se relire: tel texte irrécusablement de lui, c'est comme s'il avait été écrit par quelque autre» (NR: 15). Jung: «sa main est en quelque sorte saisie; sa plume écrit des choses qui mettent son esprit dans l'étonnement» (Problèmes de l'âme moderne, 364).Google Scholar

44 «Matériale» et non «matérielle», dérivant de «matèriau» et non de «matière»: parce que l'idée, quel que soit son statut ontologique, constitue, pour l'écrivain, un matériau au même titre que le signifiant auquel elle est associée. Reprenant en ce sens la définition ricardolienne de la production, nous dirions donc que produire, c'est mettre en oeuvre un matériau, en l'accurrence le langage, tant sur le plan du signifiant que sur celui du signifié, et que c'est aussi transformer ce matériau en texte. Même dans le cas d'une oeuvre entièrement préconçue il reste une transformation qui fait toute la différence, précisément, entre l'existence et l'inexistence de l'oeuvre en tant que telle: celle qui métamorphose le texte prémédité en texte écrit.

45 Lorsqu'il accepte les nuances, le productionnisme parvient à situer une partie des théories «traditionnelles»: «II y a deux premiers types d'élaboration. Celui que Mallarmé indique: le texte se fait à partir des mots. Il entraêne une production de sens. Celui que l'idéologie dominante impose: le texte se fait à partir des idées. Il permet une expression, une représentation ou, si l'on préfère, une reproduction du sens» (RT: 932: voir aussi: NPR: 16, 299).

46 Cela n'implique pas que toute oeuvre d'art présuppose ces préalables: les objets considérés comme esthétiques proviennent d'une part de la production artistique, d'autre part de la récupération artistique d'objets issus d'un autre type de production ou même qui n'ont pas été produits par l'être humain.

47 Rapports associatifs entre l'oeuvre projetée et les autres oeuvres connues de l'artiste.

48 Opération qui n'est point, quoi qu'on en dise, mécanique. L'artiste est celui qui, même lorsqu'il a tout prémédité, court le risque de l'inspiration.

49 «Et, donc, redisons-le: il ne s'agit pas d'exprimer ou de représenter quelque chose qui existerait déjà: il s'agit de produire quelque chose qui n'existe pas encore» (NR: 39). «Le dévoilement consiste à enlever un écran sur quelque chose qui existe déjà tandis que la notion de création consiste à obtenir quelque chose qui n'existe pas encore» (NRE: 62). A prendre à la lettre ces définitions, le productionnisme ressemblerait à s'y méprendre au «mythe» de la création ex nihilo.

50 Voir, dans le même sens, NR: 91, 121; NRE: 101.

51 «La notion de construction», in Théorie de la littérature, éd. T. Todorrov (Paris: Seuil, 1966), 114Google Scholar, n. 1.

52 Dans la mesure où ils fonctionnent par hiérarchisation d'éléments, et le récit et la description constituent, selon Ricardou, des appareils autoritaires ayant partie liée avec le pouvoir (cf. NPR: 53–61). Le glissement métaphorique qui consiste à substituer, selon la terminologie aristotélicienne de la Poétique, le genre pour l'espèce, est cependant lisible dans le passage suivant: «Si, selon Valéry, «la politique consiste dans la volonté de conquête et de conservation du pouvoir», alors, en ses dispositions, le texte est le lieu d'incessants affrontements politiques. Il est facile, on le sait, de faire voir que tout s'y accomplit par la mise en action de dispositifs hiérarchiques ou, si l'on préfère, d'organismes de prise et de maintien du pouvoir» (NPR: 54). De ce glissement on rapprochera celui qui joue de la métaphore mondaine et qui permet de passer du texte qui produit un monde au texte qui représente le monde et à celui qui le transforme: «Répéter le monde, ainsi que le réclame la doctrine de l'expressionreprésentation, inventer un monde, ainsi que le prétend la doctrine de la création, ne sont, appuyés sur la même proportion fondamentale, que les deux inverses complices d'une même idéologie: celle, dominante, qui évite de penser comment le monde peut être transformé par le travail du texte» (NPR: 164). Même thème chez Robbe-Grillet (Pour un nouveau roman. Coll. Idées [Paris: Gallimard, 1964], 175Google Scholar): «L'écriture romanesque ne vise pas à informer, comme le fait la chronique, le témoignage ou la relation scientifique, elle constitue la réalité. Elle ne sait jamais ce qu'elle cherche, elle ignore ce qu'elle a à dire: elle est invention, invention du monde et de l'homme, invention constante et perpétuelle remise en question».

53 En ce sens, le récit de l'élaboration de La prise de Constantinople (NF: 379–392; NPR: 244–351) constitue, pour une théorie générale de la production littéraire, un document irremplaçable.

54 Cf., par exemple, ETG: 162: NF: 392: NR: 15; NPR: 77–87. 251, 268. Affirmer que cela n'a pas d'importance et relève du «problème périmé de l'intention» (EDTG: 116–117), c'est aller au galop en affaires.