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Heidegger ou le défi de penser la technique1

Published online by Cambridge University Press:  05 May 2010

Jocelyn R. Beausoleil
Affiliation:
Université de Montréal

Extract

Plusieurs ont pu dire de Heidegger qu'il était résolument contre la technique. Et—il faut bien le reconnaître—beaucoup de choses dans ce qu7apos;il a écrit ou exprimé permettent effectivement d'avancer une telle thèse, quoique Heidegger ait lui-même protesté contre cette simplification de sa pensée. L'on pourrait citer ici un auteur, dont la critique touchant cette question ne présente rien de vraiment original, mais quijustement par son manque d'originalité traduit assez bien l'opinion la plus largement répandue, et aussi la plus facilement acceptée

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Articles
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References

2 Winfried Franzen, Martin Heidegger, Metzler, Realien zur Literatur, Abteilung D: Literaturgeschichte, tome M 141 (Stuttgart: J. B. Metzlersche Verlagsbuchhandlung und Carl Ernst Poeschel Verlag, 1976), 65 (traduction proposée).

3 Jean-François Revel, Pourquoi des Philosophes, suivi de La Cabale des dé'vots, et précédé d'une étude inédite sur La Philosophie depuis 1960, Pluriel, no 8339 (Paris: Editions Robert Laffont, 1979), 85Google Scholar.

4 Martin Heidegger, «L'époque des “conceptions du monde”», dans Chemins qui ne mènent nulle part, Classiques de la philosophic (Paris: Editions Gallimard, 1962), 86 (traduction légèrementmodifiée). Jetraduis «geschichtlich» par«historial»et «historisch» par «historique». Ce qui est «historial», c'est ce qui relève de l'Histoire (die Geschichte), elle-même comprise àpartir du Destin (das Geschick) que Heidegger explicite ultimement par la Dispensation (die Zuschickung). L'Histoire (die Geschichte) rend possible l'histoire (die Historie), c'est-à-dire la simple chronologie des «faits» ayant eu lieu, tout en ne s'y reduisant jamais. L'Histoire (die Geschichte) «envoie» toujours déjà ce que 1'histoire (die Historie) ne fait que répertorier après coup. De plus, il faudrait sans doute ici remarquer que le fait de proposer des traductions francaises modifiés ne precède aucunement de la prévention de faire mieux que le travail méritoire des traducteurs, mais bien plutôt de la volonté d'introduire une certaine uniformisation dans les textes traduits.

5 Heidegger, Martin, «La Fin de la philosophie et la tâche de la pensée» dans Questions, recueil 4, Classiques de la philosophie (Paris: Editions Gallimard, 1976), 117–118 (traduction légèrement modifiée)Google Scholar.

6 Heidegger, Voir Martin, Nietzsche, Bibliothèque de philosophie, tome 2 (Paris: Editions Gallimard, 1971), 266.Google Scholar Pour Heidegger, ainsi que l'indique le contexte, la «modernite» se signale entre autres par la «pensée de Descartes», la«métaphysique de Leibniz», la «philosophie de Hume».

7 Heidegger, Voir Martin, «Hegel et les Grecs», dans Questions, recueil 2, Classiques de la philosophie (Paris: Editions Gallimard, 1968), 52Google Scholar.

8 Heidegger, Voir, «La Fin de la philosophie et la tâche de la pensée», 115Google Scholar.

9 Heidegger, Nietzsche, tome 1, 385 (traduction légèrement modifiée). Je traduis «Auseinandersetzung»par «ex-pli-cation». Ce que Heidegger entend par-là, ce n'est nullement l'explication au sens du commentaire éclairant (die Erkldnmg). L'«ex-plication» est bien plutôt la mise en position réciproque de deux points de vue opposés, un peu à la manière dont cela se produit dans un affrontement ou un débat.

10 Heidegger, «L'epoque des “conceptions du monde”», 87 (traduction légèrement modifiée). Je traduis «Austrag» par «Différend-decisif». Pour cela, je m'en réfere à l'expression allemande «zum Austrag bringen» qui signifie: amener à decision un différend. Wolfgang Brokmeier propose quant à lui detraduire «Austrag» par «endurance». Cette dernière traduction a le méritede bienrendre I'idée qu'il faut ici persister dans l'effort.

11 Voir Heidegger, Nietzsche, tome 1, 212.

12 Heidegger, «L'epoque des “conceptions du monde”», 74 (traduction légèrement modifiée).

13 Voir ibid., 69.

14 Biemel, Voir Waller, Le Concept de Monde chez Heidegger, Philosophes contemporains—Textes et Etudes, no 4 (Louvain et Paris: Nauwelaerts/J. Vrin, 1950), 102Google Scholar.

15 Heidegger, Nietzsche, tome 2, 39 (traduction légèrement modifiée).

16 Heidegger, Voir Martin, «Le mot de Nietzsche “Dieu est mort”», dans Chemins qui ne ménent nulle part, Classiques de la philosophie (Paris: Editions Gallimard, 1962),175.Google Scholar

17 Heidegger, Voir Martin, Introduction à la métaphysique, Classiques de la philosophie (Paris: Editions Gallimard, 1967), 37Google Scholar.

18 Heidegger, Voir Martin, Qu'appelle-t-on penser?, Epiméthée (Paris: Presses Universitaires de France, 1967), 26, 9899Google Scholar.

19 Heidegger, Martin, «Hegel et son concept de l'expérience», dans Chemins qui neménent nulle part, Classiques de la philosophie (Paris: Editions Gallimard, 1962), 161 (traduction légèrement modifiée)Google Scholar.

20 Heidegger, Voir Martin, «La question de la technique», dans Essais et conférences, Les essais (Paris: Editions Gallimard, 1958), 2022, 26–28, 32–34. Je m'écarte de la traduction d'André Préau qui propose de rendre «Ge-stell» par «arraisonnement».II est à remarquer que cette traduction n'est nullement fausse, et qu'elle traduit même très bien l'un des sens possibles du mot «stellen», comme lorsqu'il désigne l'opération d'arraisonner un navire. Cependant, une telle traduction me semble réductrice, car elle donne à entendre que la technique ne puisse intervenir que secondement dans la constitution de l'Etant. Or, et c'est la tout le sens du questionnement de Heidegger sur l'essence de la technique, il importe ici de comprendre fondamentalement ce qu'est la technique et de voir qu'elle n'est aucunement quelque chose de simplement subsidiaire.En traduisant «Ge-stell» par «Pose-rassemblante-structurante», je me propose de focaliser un faisceau sémantique qui se dégage de l'utilisation que Heidegger fait du mot «Ge-stell» pour caracteriser l'essence de la technique. II s'agit d'abord derendre le sens du geste de «poser» (stellen), ensuite celui du geste de «rassembler», souvent rendu en allemand par le préfixe «ge-», et enfin celui du geste de «structurer», qui, lui, ressort plutôt du rapprochement de «Ge-stell» avec «Gestalt».Cette derniere nuance se précise dans la suite de l'exposé. En fait, la traduction queje soumets ici offre plus d'affinités avec celle que suggére Francois Fédier, lorsqu'il traduit «Ge-stell» par «unite de tous les modes de mise en position»Google Scholar (Heidegger, voir Martin, «Le chemin vers la parole», dans Acheminement vers la parole, Classiques de la philosophie [Paris: Editions Gallimard, 1976], 251)Google Scholar.

21 Heidegger, «La question de la technique», 19 (traduction légèrement modifiée). Je traduis le verbe «we sen» par «essencifier», reprenant ainsi une suggestion de Pierre Klossowski dans sa traduction de l'ouvrage de Heidegger consacré à Nietzsche. C'est également à lui que je fais un emprunt lorsque, comme il apparait plus loin, je rends «anwesen» par «présencifier». En outre, une remarque s'impose ici sur la maniere dont doit étre comprise la «Verite» de l'Etre chez Heidegger. Cette «Verite» ne se comprend nullement suivant le mode de l'«adaequatio rei et intellectus». La «Vérité» vise plutot la desoccultation, l'uverture, l'eclaircie, à partir de laquelle seulement une quelconque adéquation—un rapport de convenance—entre la chose et l'intellect devient éventuellement possible et vérifiable.

22 Heidegger, Martin, «L'origine de l'oeuvre d'art», dans Chemins qui ne ménent nulle part, Classiques de la philosophie (Paris: Editions Gallimard, 1962), 66 (traduction légérement modifiée)Google Scholar.

23 Ibid., 50 (traduction légèrement modifiée). Je ne traduis pas simplement «Gestalt» par «forme» ou «figure», mais bien par «Faconnante-configuration», afin de rendre toute la force dugeste de faconnement {die Gestaltunt; )impliquée dansl'action productrice de l'oeuvre.

24 Weizsäcker, Carl Friedrich von, «Heidegger und die Naturwissenschaft», dans Heidegger, Freiburger Universitätsvorträge zu seinem Gedenken (Freiburg et München: Verlag Karl Alber, 1977), 86 (traduction proposée)Google Scholar.

25 Heidegger, Martin, «Dépassement de la métaphysique», dans Essais et conférences, Les essais (Paris: Editions Gallimard, 1958), 92 (traduction légèrement modifiée)Google Scholar.

26 Voir Heidegger, Nietzsche, tome 1, 213.

27 Voir Heidegger, «Dépassement de la métaphysique», 96.

28 Heidegger, Martin, «Protocole d'un séminaire sur la conférence “Temps et Etre ”«, dans Questions, recueil 4, Classiques de la philosophie (Paris: Editions Gallimard, 1976), 91 (traduction légèrement modifiée). La traduction du terme «Er-eignis» suscite de reelles difficultes. André Préau suggère de le traduire par «Copropriation», alors que Francois Fédier propose delerendre par «appropriement». Pour ma part, je risque «Donation-en-propre», prenant appui sur le fait que Heidegger précise la portee de ce mot en le rapportant a l'acte de donner (voir Heidegger, «Le chemin vers la parole», 246). Cependant, cette «donation» ne saurait etre ici comprise comme si elle était le fait d'un «agent» parfaitement identifiable, car elle est bien plutôt un «geste» absolument neutre. Par ailleurs, il conviendrait aussi de dissiper toute équivoque sur le sens de cette traduction, afin de ne pas laisser l'impression que Heidegger se lancerait à la quête de quelque «propre» ineffable. La «Donation-en-propre» relève si peu suid'une suid'uneGoogle Scholar «pensee du propre» que pour Heidegger la Donation-en-propre (das Er-eignis) ne se peut penser sans le dépropriement (die Enteignis): «À la Donation-en-propre en tant que telle appartient le dépropriement. À travers lui, la Donation-en-propre ne s'abandonne pas, mais au contraire elle conserve sa propriété» ( Heidegger, Martin, «Temps et Être», dans Questions, recueil 4, Classiques de la philosophie [Paris: Editions Gallimard, 1976], 45 [traduction légèrement modifiée]). La Donation-enpropre ne donne en propre que si au même moment elle se déproprie d'elle-même. Elle n'est done ultimement Donation-en-propre qu'en étant toujours déjà par elle-même dépropriement, et jamais autrement. Ainsi voit-on désormais clairement qu'une problématique s'employant à penser la Donation-en-propre, comme celle de Heidegger, sesitue d'emblee par-delà l'opposition du propre et de son contraire, et qu'il ne convient nullement de céder à des escarmouches lexicales dont toute la stratégie dérisoire consiste uniquement à faire argumenter la terminologie. C'est malheureusement ce à quoi trop souvent se réduit la critique que Derrida adresse à Heidegger, ainsi que l'illustie encore l'extrait suivant: «Cet écart [e'est-a-dire l'ecart que Derrida prétend marquer par rapport à la problématique heideggerienne] intervient aussi, corrélativement, quant à la valeurde propre (propriété, proprir, appropriation, toute lafamille de Eigentlichkeit, Eigen, Ereignis) qui est peut-étre le fil le plus continu et le plus difficile de la pensée heideggerienne» (Google ScholarDerrida, Jacques, «Positions», dans Positions, Critique [Paris: Editions de Minuit, 1972], 7374)Google Scholar.

29 Poggeler, Voir Otto, «“Sein als Ereignis”—Martin Heidegger zum 26. September 1959«, Zeitschrift fiir philosophische Forschung 13/4 (1959), 622Google Scholar.

30 Heidegger, «Le chemin vers la parole», 248, note 19 (traduction légèrement modifiée).