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Psychologie philosophique et théologie de l'intellect. Pour une histoire de la philosophie allemande au XIVe siècle

Published online by Cambridge University Press:  13 April 2010

Alain de Libera
Affiliation:
École pratique des hautes études — Paris

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Le XIVe siècle allemand a vu l'apparition et le développement d'une forme de philosophie autonome, fortement influencée par le péripatétisme grécoarabe, mais s'orientant de façon croissante vers le néoplatonisme le plus authentique: celui de Proclus. Si la transition de l'aristotélisme à la «théologie platonicienne» a connu son point culminant dans le Commentaire des Éléments de théologie de Berthold de Moosburg, elle a été préparée par une série de décisions philosophiques, acquises pour l'essentiel chez Albert le Grand. L'objet du présent article est de montrer comment la théorie albertinienne de la contemplation philosophique, avec ses notions spécifiques de «conjonction» et d'«intellect acquis», a servi de point de départ à la reviviscence de l'idéal antique de sagesse contemplative qui caractérise l'école dite «de Cologne», de Dietrich de Freiberg à Berthold lui-même, en passant par Maitre Eckhart.

Type
Articles
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Copyright © Canadian Philosophical Association 1992

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References

Notes

1 Pour plus de détails, le lecteur consultera notre livre Penser au Moyen Âge («Chemins de pensée»), Paris, Éditions du Seuil, 1991.

2 Cf. Aristote, , Éthique á Nicomaque, IX, 8, 1168b30–1169a3; trad. J. Tricot, Paris, Vrin, 1967, p. 458.Google Scholar

3 Cf. A. de Libera, «Existe-t-il une noétique averroïste? Sur la reception d'Averroès au Xllle siècle», dans F. Niewöhner, dir., Averroismus im Mittelalter und in der Renaissance (Actes d'un colloque tenu à Wolfenbüttel, 3–7 novembre 1991), sous presse; «Albert le Grand et la mystique allemande», dans G. Wieland, J. H. J. Schneider et M. J. F. M. Hoenen, dir., Die Universitaten im Mittelalter und in der frühen Neuzeit. Formen und Grenzen einer erfolgreichen Institution (Actes d'un colloque tenu à Tübingen, 21–24 novembre 1991), sous presse.

4 Cf. Albert le Grand, De causis et processu universitatis (noté par la suite Dcpu), II, 2, 26; Fauser, p. 119, 19–21: «[ … ] in nostro intellectu, qui adeptus est et non per substantiam intellectus [ … ]». En préparant cet article nous avons pu consulter les dernières épreuves de l'édition critique du Dcpu dans les Opera omnia d'Albert. Toutes nos références se rapportent donc à cette nouvelle édition. Que le R. P. Fauser qui nous a fait l'amitié de nous communiquer son admirable travail trouve ici l'expression de notre gratitude.

5 Contrairement aux auteurs juifs (au premier rang desquels Moïse de Narbonne, 1300–1362, qui l–a commentée), les théologiens latins ne connaissaient pas l'dpitre d'Averroés intitulée Sur la possibilité de la conjonction avec l'intellect agent (I'Épître et son texte satellite, le Traité sur la béatitude, ne furent traduits de l'hébreu qu'au début du xvie siécle par Calo Calonymos). La notion était, toutefois, suffisamment expliquée et illustrée dans son Grand commentaire sur le De anima pour que, complété par la théorie des degrés de I'intellect exposée dans le De anima d'Avicenne, s'en dégage une véritable doctrine de la contemplation philosophique. Suivant a la lettre Averroés, Albert le Grand a fait de la conjonction formelle avec I'intellect agent l'objet d'une «espérance philosophale» (fiducia philosophantium) — thème farabien transmis par le Grand commentaire (III, comment. 36; éd. F. S. Crawford [Corpus Commentariorum Averrois in Aristotelem, Versionum latinarum, t. VII, fasc. 1], Cambridge, MA, The Mediaeval Academy of America, p. 502, 661–664) — et il a déifini la «félicité intellectuelle’ comme la réalisation même de cette espérance. II va de soi que, en la matière, l'averroïsme latin lui a abondamment emprunté. Pour Jean de Jandun, par exemple, la vie philosophique, but suprême de la vie en société (civitas), est couronnée par une sagesse, une félicité suprême qui, elle-même, est l'actualisation d'une «aptitude» — l' intellect «acquis» interprété comme «félicité préparatoire» (Jelicitas dispositiva), capacité de «connaître les substances séparées». Cette actualisation est la conjonction, «acte formel et complétif de la sagesse», union à Dieu qui, et l'on voit là la trace de l'lenseignement d'Albert, nest pas une conjonction «formelle» au sens propre (comment la Première cause pourrait-elle se faire la forme de l'ame humaine, stricto sensui), mais une union déterminée par une «ressemblance et une conformité» — en un mot une analogic Sur cet emploi de la notion d'analogie, cf. infra, note 9. Sur la théorie de Jean, cf. Kuksewicz, Z., «A Mediaeval Theory of Felicity», Dialectics and Humanism, vol. 23 (1986), p. 229235.Google Scholar

6 Cf. Albert le Grand, Dcpu, II, 2, 32; Fauser, p. 126, 63–70. Sur ce point cf. Eustrate, Éth. Me, VI, 5; éd. G. Heylbut (Commentaria in Aristolelem Grœca, t. XX), Berlin, 1892, p. 314, 9–10; transl. ant., Vat. lat. 2171, fo 110va: «[…] sed non substantialiter existere in ipsa intellectum ponit, sed possessum et ut habitum supervenientemr]. Cf., enfin, Albert le Grand, Ethica, VI, 2, 13, éd. A. Borgnet (Opera omnia, t. VII), Paris, 1891, p. 423 et VI, 2, 18; Borgnet, p. 433.

7 Cf. Albert le Grand, De XV problematibus, I; Geyer, p. 32, 62–71.

8 Cf. Albert le Grand, Dcpu, II, 2, 20; Fauser, p. 114, 39–54: «Propter quod etiam a quibusdam philosophis hie intellectus acquisitus vel possessus appellatur. Acquisitus quidem, quia per studium aquiritur vel virtutis vel scientiæ [ …. Possessus autem dicitur, ut dicit Hermes Trismegistus, quia est sessio posterioris partis intellectus agentis in anima. Anterius enim agentis est lux, quæ in ipso agente est. Lumen autem, quod ab ipso agente procedit et in intelligibilibus diffunditur ad hoc quod intelligibilia sint, est posterius agente, per quod et in quo sedet in anima. Propter quod talis intellectus vocatur possessus, lumine scilicet agentis acquisitus, in quo etiam ipse agens possessus est].

9 Sur l'analogie selon Denys, cf. VI. Lossky, «La notion des analogies chez Denys le Pseudo-Aréopagite»-Archives d'Histoire Doctrinale et Littéraire du Moyen Âge, vol. 5 (1931), p. 279–309; sur les origines de cette notion, attestée chez des auteurs aussi différents qu'Alexandre d'Aphrodise (commentateur de la Métaphysique), Asclépius et Jean Philopon, cf. J.-F. Courtine, «Différence ontologique et analogie de l'etre : le tournant suarézien», Bulletin de la Société française de philosophie, 83e année, no 2 (avriljuin 1989), p. 59–61 (Alexandre), p. 62 (Ascléipius) et p. 63 (Philopon). La même doctrine figure dans l'énigmatique épître d'Alexandre De principio universitatis (attribuée par Albert à Aristote, vraisemblablement de seconde main). De fait, ce Kitâb mabâadi al-kull soutient explicitement que : «Toutes les choses font ce qu'elles font […] selon leur nature propre, par désir d'imiter l'être qui les a formées selon la première intention et ce que chacune recoit selon sa capacité’. Cf. Alexandre d'Aphrodise, Épitre des principes du tout selon l'opinion d'Aristote le Philosophe, trad. A. Badawi, dans La transmission de la philosophie grecque au monde arabe. Cours professé à la Sorbonne en 1967, 2e éd. revue et augmentée (Études de Philosophie Médiévale, vol. 56), Paris, Vrin, 1987, p. 137–138.

10 Le théme de la «distance» est tire de Denys, Noms divins, V, 6, PG (Patrologia Grxæca) 3, 820B; IX, 7, PG 3, 916A. Albert en fait un axiome, qu'il attribue alternativement à Denys, aux «antiques philosophes» et aux péripatéticiens: «Ea quæ; sunt a primo, per distantiam ab ipso accipiunt differentiam», Dcpu, I, 1, 10; Fauser, p. 22, 10–12. En Dcpu, II, 1, 15; Fauser, p. 78, 49–62, il rappelle que les antiqui philosophi faisaient de la «distance» la causa constitutiva animæ. C'est à ce propos, qu'il souligne que l'émanation hiérarchique est bien commun des Arabes et des Grecs, les Arabes appellant influentia ce que les Grecs appellent processio — une rencontre ou un concordat qui détermine sa conception du péripatetisme et qui, malgre l'écart historique et culturel qui les sépare, enracine la philosophie allemande naissante dans l'univers nébuleux de la Théologie d'Aristote. Aussi bien est-ce aux antiquissimi Peripatetici et primi que le Dcpu, I, 4, 1 (Fauser, p. 43, 15) attribue la notion de «procession».

11 Cf. Albert le Grand, Dcpu, II, 2, 20; Fauser, p. 114, 78–115, 4: «Et hiC propter hoc quod semper actu est et per essentiam actu est, nec adeptus nec possessus dici potest. Propter quod dicit Eustratius, quod possessus intellectus numquam potest tantum depurari et perfici, quod per essentiam intellectus efficiatur, vel Mi similis, nisi per analogiam suæ possibilitatis».

12 Cf. Albert le Grand, De anima, III, 3, 11, éd. C. Stroick (Opera omnia. Editio Coloniensis, t. VII, fasc. 1), Münster, i. W., 1968, p. 222, 4–14, qui renvoie aux «péripatéticiens», e'est-à-dire à Aristote, Éth. Nic, -X, 7, 1175b5–1178a9, mai aussi,évidemment, à «Eustrate et Michel d'Ephese», commentateurs par excellence de VÉthique

13 Sur les deux «conjonctions» chez Albert, cf. A. de Libera, Albert le Grand et la philosophie, Paris, Vrin, 1990, p. 245 sqq. Qu'il existât une gradation entre les deux modes de continuation de l'intellect avec l'homme, l'un pour penser, l'autre pour contempler, plaidait vigoureusement pour l'idée d'une montee, d'une ascension spirituelle, d'un ascetisme, qu'illustraient à merveille les notions avicenniennes d'intellect «acquis» et d'intellect «saint»: de la connaissance scientifique à la prophétie naturelle, l'itinéraire était tracé et rectiligne. II est done important de noter dans ce contexte que c'est a partir de la description avicennienne de la connaissance prophétique qu'Eckhart a formulé sa propre conception de l'«homme noble» — une alternative d'ensemble à la théologie philosophique de son maître, Albert le Grand.

14 Une exclusion véritablement extraordinaire quand on sait que la notion d'«intellect acquis» (νοῦς ἐπικητος) figure bel et bien dans le De anima d'Alexandre et qu'ainsi elle est probablement au point de départ de toutes les perturbations qu'a subies la classification des intellects chez les Arabes, puis, par voie de conséquence, chez les Latins! Cf. A. de Libera, Albert le Grand et la philosophie, p. 254 sqq.

15 Cf. Avicenne, De anima, V, 6, éd. S. Van Riet (Avicenna Latinus), Louvain, Éditions orientalistes; Leyde, E. J. Brill, 1968, p. 151, 84–85, avec les commentaires d'Albert le Grand, De anima, III, 3, 11; Stroick, p. 222, 24 et 223, 11–38. Chez Albert, l'intellect «acquis» a des degrés: «intellect saint», «intellect assimilé», «intellect divin». Parfois confondus, ces niveaux sont rigoureusement distingués dans le De summo bono, I, 1, 7 (éd. B. Mojsisch, avec une «Introduction» d'A. de Libera et de B. Mojsisch [Corpus Philosophorum Teutonicorum MediiÆvi, t. I, fasc. 1], Hambourg, Felix Meiner, 1989, p. 18, 3–19, 22) du premier grand disciple d'Albert, Ulrich de Strasbourg.

16 Cf. Albert le Grand, Dcpu, II, 2, 33; Fauser, p. 127, 26–27.

17 Cf. A. de Libera, «Uno, unione e unita in Meister Eckhart: dall'uno trascendentale all'Uno trascendente», dans V. Melchiorre, dir., L'Uno e i molti, Milan, Vita e Pensiero, Pubblicazioni della Università Cattolica del Sacro Cuore, 1990, p. 249–282; «Maître Eckhart à Paris», dans Les échanges universitaires franco-allemands du Moyen Âge au xxe siècle (Actes du Colloque de Göttingen. Mission Historique Françhise en Allemagne, 3–5 novembre 1988), M. Parisse, dir., Paris, Éditions Recherche sur les Civilisations, 1991, p. 19–36; «Albert le Grand et Maitre Eckhart: les raisons d'une “mystique”», Communio, vol. 17, nos 2–3 (1992), p. 83–98.

18 Cf. Aristote, De anima, III, 4, 429b29–30: «Quoniam potentia quodam modo est intelligibilia intellectus, set actu nichil est antequam intelligat».

19 Tout ce qui suit est un développement d'Aristote, De anima, III, 5, 430a14.

20 Cf. Fârâbî, De intellectu et intellecto, éd. É. Gilson, dans «Les sources gréco-arabes de l'augustinisme avicennisant», Archives d'Histoire Doctrinale et Litteraire du Moyen Âge, vol. 4 (1929), p. 118, 103–112.Google Scholar

21 Cf. Aristote, De anima, III, 4, 429b30–430a1: «Oportet autem esse sic sicut in tabula, in qua nichil actu est scriptum, quod quidem accidit intellectus».

22 Cf. Aristote, De anima, HI, 8, 432a1–2: «Quare anima sicut manus est: manus enim est organum organorum, et intellectus est species specierum et sensus est species sensibi-lium».

23 Cf. Aristote, De anima, III, 4, 429a27–28: «Et bene iam [ … ] sunt animam esse locum specierum, nisi quod non tota set intellectiva, neque actu setpotencia est species».

24 Cf. Albert le Grand, Physica, IV, 12, 10, éd. P. HoßBfeld (Opera omnia. Editio Coloniensis, t. IV, fasc. 1), M¨nster, i. W., 1987, p. 220, 76: «Eadem est distantia loci et locati».

25 Cf. Aristote, Physica, IV, 5, 212b29–35.

26 Cf. Albert le Grand, Physica, IV, 2, 8; Hoßfeld 251, 22–253, 20 et 253, 42–59. Principalement 251, 56–72: «Si ergo sunt in uno et eodent spado dimensiones vacui et dimensiones cubi, quia cum spatium vacui supponatur habere tres dimensiones, ipsum necessario est corpus, et etiam cubus est corpus habens tres dimensiones Mis per omnia cequales; quæceratur ergo, quid distant dimensiones corporis cubi a dimensionibus vacui sibi æqualis. Si enim longitudo sit in longitudine et latitude in latitudine et profunditas in profunditate, erit quælibet trium diametrorum intersecantium se ad rectos angulos in cubo et spatio in alia. Linea autem non potest imaginari esse in linea, nisi sit ad eadem puncta determinata, et sic linea in linea imaginata est indifferens ab ea secundum esse et essentiam. Ergo nulla differentia est inter corporeitatem cubi et corporeitatem spatii, quia duo corpora facta sunt unum corpus, quamvis duo sint secundum diversum esse, naturale et mathematicum».

27 Cf. Albert le Grand, Physica, IV, 1, 11; HoßBfeld, p. 221, 56–61: «[E]st enim locus proprie, quando una numero superficies, in qua est virtus ccelestis diffusa, est continens, salvans et formans, et iste est locus proprie et adaiquatur locato, eo quod una menjsura est mensurans utrumque, quia loci superficies mensural superficiem locati».

28 Cf. Albert le Grand, Physica, IV, 1, 10; Hoßfeld, p. 219.

29 Cf. Fârâbî, De intellectu et intellecto; Gilson, p. 119, 145–155, spécialement lig. 152–153: «Igitur quod intelligitur tune non est aliud ab eo quod est intellectus intelligens in effectu».

30 Nous empruntons cette expression à l'article fondamental de Sturlese, L., «Tauler im Kontext. Die philosophischen Vorausetzungen des Seelengrundes in der Lehre des deutschen Neuplatonikers Berthold von Moosburg», dans Beiträge z. Gesch. d. deutschen Sprache u. Literatur, vol. 109, no3 (1987), p. 395.Google Scholar

31 Cf. Sturlese, L., «Albert der Große und die deutsche philosophische Kultur des Mittelalters», dans Freibürger Zeitschrift für Philos. und Theol., vol. 28 (1981), p. 133147Google Scholar; R. Imbach, «Die deutsche Dominikanerschule», ibid., p. 157–172.

32 Pour tout ceci, cf. A. de Libera, Introduction a la Mystique rhénane. D'Albert le Grand à Maître Eckhart, Paris, ŒIL, 1984, p. 443–448.

33 Cf. L. Sturlese, «Proclo ed Ermete in Germania da Alberto Magno a Bertoldo di Moosburg. Per una prospettiva di ricerca sulla cultura filosofica tedesca nel secolo delle sue origini (1250–1350)», dans K. Flasch, dir., Von Meister Dietrich zu Meister Eckhart (Corpus Philosophorum Teutonicorum Medii Æi, t. 2), Hambourg, F. Meiner, 1984, p. 22–33.

34 Sur les années d'études de Dietrich, cf. L. Sturlese, Dokumente und Forschungen zu Leben und Werk Dietrichs von Freiberg (Corpus Philosophorum Teutonicorum MediiÆvi, t. 3), Hambourg, F. Meiner, 1984, p. 1–12.

35 Dietrich de Freiberg, De visione beatifica, 4.3.2, 5; Mojsisch, p. 114, 22–28.

36 Dietrich de Freiberg, De visione beatifica, 4.3.2.2, 1–2; Mojsisch, p. 119, 101–111.

37 Dietrich de Freiberg, De visione beatifica, 4.2.2.6; Mojsisch, p. 110, 16–21.

38 Dietrich de Freiberg, De visione beatifica, 4.2.1, 2; Mojsisch, p. 106, 43–49. Dietrich s'appuie sur Averroés, De anima, III, 36; Crawford, p. 479–502, et Metaphysica, XII, comment. 38; Venise, 1562, fo 321vG.

39 Cf. Eckhart, Maitre, Traités, trad. J. Ancelet-Hustache, Paris, Seuil, 1971, p. 160161.Google Scholar

40 Eckhart part ici de la distinction albertinienne entre l'«Intelligence» séparée, c'est-à-dire l'intellect universellement agent, et l'intellect de l'homme, forme d'un corps, et qui, à ce titre, «n'est pas intellect par essence, mais par acquisition», c'est-a-dire par «continuation» avec L'Intellect agent séparé. Mais, précisément, il n'adopte ce point de départ que pour le subvertir entierèment: ce qu'il appelle souvent l'homme noble, l'homme séparé, s'élevant au-dessus de la nature, cesse d'être «intellect par acquisition» pour se faire dans la grâce plus que les Intellects par essence. II va jusqu'à l'Un unique «au fond de l'âme, où le fond de Dieu et le fond de l'âme sont un seul fond». Cette «apotheose», cette déification n'ont plus rien d'aristotelicien: c'est la theophanie suprême, dont parle Jean Scot Érigène lorsqu'il éecrit dans le De divisione naturæ, I, 9, que: «Ex ipsa sapientiæ Dei condescensione ad humanam naturam per gratiam et exaltatione eiusdem natures ad ipsam sapientiam per dilectionem fit theophania» (PL [Patrologia Latinaé 122, 449B). Cf. également, éd. I. P. Sheldon-Williams (Scriptores Latini Hibernim, t. VII), Dublin, The Dublin Institute for advanced Studies, 1968, p. 52, 31–33. «Inquantum homines per caritatem deiformes efficiuntur, sic sunt supra angelos», affirmait Thomas dans les Quxstiones disputatœ De caritate (q. 1, a. 7): Eckhart semble étendre cette élévation à l'ensemble de la nature intellectuelle.

41 Les anges de la Révélation; appartenant à l'ordre de ce que Dietrich de Freiberg appelle la Providence volontaire: celui de la grâce et des fins derniéres.

42 Les anges des philosophes appartenant à l'ordre de la Providence naturelle, autrement dit la nature, done: les Intelligences. Sur la distinction entre Providence naturelle et Providence volontaire, cf. A. de Libera, «Philosophie et theologie chez Albert le Grand et dans l'École dominicaine allemande», dans Die Kölner Universität im Mittelalter (Misællanea Mediaævalia, vol. 20), Berlin, De Gruyter, 1989, p. 49–67.

43 Cf. Maître Eckhart, Traités, 15, p. 142.